Un terrain en or
Comodoro Rivadavia est une ville de prime abord étrange. Lorsque nous étions en France et que nous faisions des recherches
sur cette troisième escale de notre voyage, ce que nous avons pu lire ne nous
enchantait que peu. Les rares écrits que nous avons pu trouver nous la présentait d’abord comme une ville
pétrolière, battue par des vents violents, vides de touriste Les photos nous la
montrait grise, quadrillé, impersonnelle. On ne peut pas réellement dire
pourquoi mais notre instinct nous a tout de même poussé à aller découvrir la plus grande ville de Patagonie, vieille d’à
peine plus de cent ans.
Malgré toutes ces idées reçues, il ne nous
a pas fallu longtemps avant de nous rendre compte que l’on était tombé sur une
véritable mine d’or.
Toute jeune
ville, Comodoro est née grâce à l’arrivée successive de grandes vagues d’immigration.
Beaucoup de ses migrants étaient de
jeunes hommes venus en Argentine avec l’objectif de se faire de l’argent, et
ensuite rentrer au pays pour offrir à leur famille une vie meilleure.
Paradoxalement, la majorité d’entre eux est restée et a tenté de donner à cette
terre vierge un visage humain, une identité.
Comme
n’importe quel enfant, lors de ses premières années de vie, Comodoro avait tout
à apprendre pour se construire. Elle ne disposait pas de système de santé, pas
d’espace de divertissement ni d’échange ou de communication entre ses nombreux
parents d’origine diverse et variée.
Boers,
espagnols, italiens, portugais, basques, puis allemands, autrichien, chiliens,
hongrois, anglais, arabes, libyens, syriens, plus récemment boliviens, péruviens,
paraguayens… Comodoro Rivadavia, capitale provinciale des communautés
étrangères doit tout à ces immigrés organisés qui ont travaillé en collectivité
pour le bien de toute le société comodorienne. Les espagnols, très nombreux numériquement
ont par exemple, par le biais de leur association, bâti un théâtre, lieu d’éducation
et de divertissement de tous les habitants quelle que soit leur origine. Ils
ont ensuite mis sur pieds, décennies après décennies, un sanatorium qui est
aujourd’hui le plus performant de la région et un des piliers e la couverture
médicale de la ville. Cette dernière s’est ainsi d’un côté construit une structure,
tandis que de l’autre elle édifiait son identité.
Ces hommes puis ces familles devenues avec le temps comodoriennes, ont œuvrées autour de
nombreux événements à nourrir le processus identitaire nécessaire à leur identification
de leur nouvelle terre. On peut aujourd’hui participer à des cours de danse « portugaise »,
manger et boire autour d’un thé « grec » ou encore apprendre à
parler le polonais ou l’arabe. Les
associations proposent tout un type d’activités manuelles, sportives,
artistiques, éducatives... Il y a même, depuis environ trente ans une « Fédération
des communautés étrangères » qui réunis une vingtaine d’associations.
Elles se donnent pour tâche de fêter le jour de l’immigrant, fête nationale en
argentine. A cette occasion, chacune des collectivités présente sa danse, son
costume « traditionnels », et propose des plats typiques. Le fait que tout ce qui est proposé par ces associations
soit systématiquement proposé à tous démontre pour nous une volonté de partager,
de mettre à disposition et de promouvoir les savoirs d’une collectivité. Un
membre de l’association portugaise nous racontait par exemple le fait que
plusieurs expressions portugaises étaient aujourd’hui intégrées au dictionnaire
argentin. Il y a là la fierté de participer en tant que collectivité au
développement de la toute la communauté.
Notre travail actuel est de cerner ces identités, remodelées, réinventées car
elles n’ont finalement peu de choses à voir
avec ce que l’on pourrait trouver aujourd’hui dans les pays d’origine des
migrants ou de leurs descendants. L’identité est toujours une conjonction de
caractéristiques choisies parmi une multitude et donc toujours questionnable,
modifiable. Nous essayons de voir quelle
identité est véhiculée et qu’y trouvent les membres de ces associations étrangères,
qui sont aujourd’hui de véritables institutions de par leur importance pour la
ville. Ces multiples traits culturels véhiculés par chacune d’elles forment à
eux tous l’identité de la ville et de ses habitants, soit une identité
multiculturelle.
Evidemment, Comodoro n’est pas un paradis de l’union et de l’acceptation de
l’autre. A certaines périodes de son historie, des populations comme les
travailleurs pétroliers catamarquais (au nord de l’Argentine) ou les migrants
chiliens ont générés des conflits. Cependant, là où l’on pouvait s’attendre à
trouver une ville éclatée et désunie, on est amené á observer un lieu où les
nombreuses communautés ont travaillées chacune de leur côté pour le
développement et le bien-être de tous. En même temps, dans une ville où tous
sont étrangers, qui oserait le reprocher á l’autre ?